Manifeste - Politiser la santé mentale
En tant que citoyenne et en tant que thérapeute, j’observe quotidiennement les conséquences néfastes des oppressions sociales et des jeux politiques sur les individus.
Pourtant, le bien-être est encore trop souvent ramené à l’individu seul, à ses « faiblesses », son « incapacité à faire face », « à s’adapter » ou à « résister au stress ». C’est le grand paradoxe du bien-être non politisé qui, en minimisant voire en oubliant de mentionner que les causes sociétales jouent un rôle majeur dans les souffrances individuelles, violente encore plus ses usagers. Et il est urgent de le reconnaître.
La santé mentale ne se résume pas aux maladies mentales et aux troubles diagnostiqués et la tendance à la pathologisation à outrance des émotions et des comportements individuels ne fait qu’empirer la situation en stigmatisant les individus, les définissant comme des êtres inadaptés qu’il faudrait soigner.
Tandis que la psychologisation des problèmes liés aux défaillances sociétales et managériales produit une intériorisation négative de l’image de soi et valide l’idée d’un échec personnel.
Pourtant, les individus qui sont vus ou qui se voient comme « défaillants » répondent souvent logiquement à ce qui leur est imposé par un système capitaliste néolibéral maltraitant qui pompe les citoyens comme des ressources illimitées et ne laisse plus de place à l’essentiel du vivant (prendre son temps, se connecter à la nature, être avec ceux que l’on aime, tisser des liens, créer sans but mercantile, profiter de la vie tout simplement). La crise de la santé mentale, ce burn-out général à tous les étages, est à prendre comme un signe de résistance à ce système normatif qu’impose notre société contemporaine sous couvert d’injonctions à réussir pour atteindre un bonheur idéaliste et utopique. C’est donc à nous, individu isolé, que revient non seulement la charge de garder la santé, le cap mais aussi de nous dépasser, de réussir, d’être heureux tout simplement…
Ajoutons à ce tableau les discriminations systémiques (homophobie, misogynie, racisme, violence faites aux enfants, exclusion…) et la précarisation des populations, qui viennent taire et immobiliser les individus, les privant de ressources pour agir. On observe alors une explosion des souffrances psychiques comme seule réponse possible face à un système paradoxal qui prône l’individualisme mais impose un idéal d’individu social.
Une pratique politisée, une posture éclairée
Ainsi, il est crucial pour moi de me définir comme une thérapeute située, féministe et d’intégrer à ma pratique des réflexions et des outils venant de la sociologie, des études de genres, de l’intersectionnalité et des sciences plus généralement.
Maintenir une vision globale et systémique dans le sens de l’interdisciplinarité est primordial dans ma pratique. Je tiens particulièrement à sortir de la vision binaire qui régie notre société et je tiens énormément aux nuances de chacun et chacunes. C’est ça qui fait la beauté de notre monde. Pour cela j’ai suivi une formation en sociologie clinique et je continue à me former sur ces sujets en parallèle. Rester humble, ouverte à l’apprentissage, prête à évoluer pour respecter mes client.e.s et les aider auplus prêt de leur réalité.
Nos souffrances individuelles, intériorisées, poussent sur un terreau fertile d’imbrication de systèmes (individuel, familial, social, culturel) complexes, paradoxaux et difficiles à combattre tant ils s’auto-nourrissent et nous composent. En prendre conscience est déjà un énorme pas vers la déculpabilisation et la responsabilisation.
« Il faut embrasser la lenteur, les incohérences et l’hétérogénéité (…) et quitter le monde du burn-out. Sans regret »

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